L'innovation sociale dans l'accès à l'énergie et l'efficacité énergétique
L'innovation sociale s'impose de plus en plus dans les théories économiques et les méthodes entrepreneuriales. Elle représente, selon la Commission européenne, « le développement de nouvelles idées, services et modèles pour mieux répondre aux problèmes sociaux ». Pour le Stanford center for social innovation, l’enjeu essentiel est la capacité des innovations sociales à proposer des « solutions plus efficientes, efficaces et soutenables que celles traditionnellement mises en place ». L’innovation sociale répond à un besoin social dans un cadre alternatif et distinct de celui proposé habituellement par les acteurs conventionnels, à l'instar des pouvoirs publics. Elle s'attache à impliquer directement les populations concernées dans le développement de projets inclusifs, solidaires et adaptés aux contextes locaux. La capacité des solutions d'innovation sociale à s'adapter à différents domaines, comme l'habitat, le chômage, l'alimentation ou l'énergie renforce leur aspect pluriel et explique leur complexité de mise en œuvre. Cependant, quel que soit le secteur, le processus reste le même avec quatre étapes fondamentales : l'émergence théorique et pratique du projet, son expérimentation, sa diffusion et enfin son évaluation. Appliquée au secteur de l'énergie, l'innovation sociale permet de proposer des modèles de développement alternatifs et une participation accrue des acteurs les plus concernés, populations locales et usagers.
Pourquoi l'énergie a-t-elle besoin de l'innovation sociale ?
Selon l'ONU, l'accès à l'énergie reste primordial pour la croissance des pays émergents et pour sortir 2 milliards d'habitants de l'extrême pauvreté, alors même que nous nous trouvons actuellement dans la décennie de l'accès universel à l'énergie[1], programme ambitieux engagé sous l'égide des Nations-Unies. Les données fournies par la Banque mondiale permettent de saisir l'étendue du chemin à parcourir. Dans les pays les moins avancés, le taux d'accès à l’énergie plafonne à 35 %. La situation est similaire dans les pays en situation de conflit armé ou d'instabilité sécuritaire profonde, où ce taux dépasse à peine 40 %[2]. L'ONU précise que l'accès universel à l'énergie permettrait de rompre en partie avec la grande pauvreté et l'alarmante fragilité sanitaire de certains États, en permettant notamment de chauffer de l'eau ou de stocker des produits alimentaires. D'un point de vue économique, les progrès seraient sensibles dans les domaines agricole et industriel avec une optimisation quantitative et qualitative des productions.
Dans le secteur de l’énergie, les besoins sociaux demeurent colossaux et les obstacles nombreux dans la quête d'un accès équitable, universel et soutenable à l'énergie. Le but de l'innovation sociale est de rassembler les synergies positives d'une grande multiplicité d'acteurs en s'aidant notamment des expériences citoyennes et locales, tout en réussissant à pallier les insuffisances de l'action des pouvoirs publics et du marché. L'innovation sociale dans le domaine énergétique s'attache à travailler à très petite échelle.
Elle permet ainsi de former des acteurs locaux à des solutions énergétiques durables, comme c'est le cas en Thaïlande où le projet Sunsawang, soutenu par la Fondation Rexel, instruit des spécialistes à la construction de panneaux solaires, renforçant la compétence des techniciens de la région. L'innovation sociale connaît aussi des applications concrètes dans les pays développés où des inégalités persistent dans le domaine de l'énergie. Sur le continent européen, Enercoop tente de venir en aide aux 21 millions de personnes en difficulté énergétique par des installations énergétiques uniquement renouvelables.
Innovations sociales et accès à l'énergie, des initiatives de plus en plus nombreuses, mais toujours insuffisantes face aux enjeux globaux
Une prise de conscience généralisée semble s'imposer parmi les décideurs et les différents acteurs de l'énergie. Récemment, l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a lancé un appel à projets afin de proposer un bilan global des innovations sociales dans le secteur énergétique[3]. Parallèlement, un nombre croissant de projets appellent à une participation citoyenne en contournant les canaux traditionnels de financement, via le crowdfunding notamment, encourageant ainsi l'inventivité et l'esprit d'entreprise des citoyens, qui deviennent les business angels de solutions soutenables et solidaires dans lesquels les investisseurs usagers restent majoritaires. Le citoyen-acteur se trouve ainsi en position d'empowerment et participe financièrement à des projets alternatifs et soutenables.
L'objectif d’un accès universel à l'énergie est encore ambitieux avec plus d'1,1 milliard de personnes non desservies. Des inégalités majeures existent, même à l’échelle régionale. En Asie du Sud-Est, l'accès à l'énergie est proche de 100 % au Vietnam alors même qu'il dépasse à peine 20 % au Cambodge[4]. Les inégalités épousent une réalité plus complexe que l’opposition entre pays développés et pays en développement. Par ailleurs l'efficacité énergétique, en permettant d'optimiser sa consommation, est fondamentale mais elle demeure très largement en-deçà des espérances. Enfin, le secteur de l’énergie fait également face au défi du changement climatique. Contributeur de plus de 35% des gaz à effet de serre d’origine anthropique[5], c’est un secteur dans lequel l’innovation sociale a toute sa place pour atteindre les objectifs actés par les engagements internationaux en matière de réchauffement climatique. La COP21, qui s'est achevée en décembre dernier à Paris a ainsi acté le chiffre cible d’une hausse de la température limitée à 2°C, au-delà de laquelle les conséquences seraient désastreuses.
L’innovation sociale peut jouer un rôle fondamental en permettant de créer un écosystème positif au sein des communautés locales et en s’inscrivant dans une transition globale. Son dynamisme initial et ses succès prometteurs doivent être soutenus pour alimenter son développement et intensifier son impact. Une meilleure connaissance du grand public et des financements plus nombreux sont indispensables. Les efforts engagés par certains acteurs institutionnels ou privés constituent ainsi les prémices d'un mouvement d’ampleur, dont la croissance rapide dans les années à venir apporterait une contribution décisive à la question de l’accès universel à l’énergie et à l’efficacité énergétique.
[1] Launch of the United Nations Decade of Sustainable Energy for All (2014 – 2024), 3 février 2014
[2] Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook (statistiques de l'AIE © OCDE/AIE
[3] Rachida Boughriet, 'Innovations sociales : l'ADEME lance un appel à projet', 13 avril 2015
[4] World Bank (2015). Latest available data: 2012
[5] IPCC (2014), Fifth Assessment Report, Contribution of Working Group III, Summary for Policy Makers
Pour en savoir plus :
Ecoutez l’enregistrement du webinaire sur le site du Clean Energy Solutions Center (en anglais)
Découvrez notre infographie : « Pourquoi avons-nous besoin de l’innovation sociale dans le secteur énergétique ? »
Lisez notre synthèse du wébinaire "Energy Efficiency for Energy Access: The Role of Social Innovation in Driving Change."